Dans un discours prononcé lors du XVIIIᵉ Forum d’Entreprise de Guipúzcoa, Josu Jon Imaz, PDG de Repsol et ancien homme politique du Parti basque, a livré une analyse sans concession de la transition électrique en cours en Europe. Son propos, à la fois technique et politique, interroge les fondements idéologiques de cette mutation, met en lumière la dépendance technologique croissante à l’égard de la Chine, et plaide pour une approche plus pragmatique, fondée sur la réalité socio-économique et industrielle.
Une transition électrique sous influence idéologique
La transition vers le véhicule électrique, souvent présentée comme une évidence écologique, fait pourtant l’objet de vives critiques de la part d’industriels comme Josu Jon Imaz. Pour lui, les politiques européennes actuelles s’apparentent à une « hyperrégulation » et à des « politiques écologiques radicales », imposées davantage par l’idéologie que par une véritable réflexion technologique. Il dénonce une vision binaire qui, sous couvert de lutte contre le changement climatique, néglige la complexité du parc automobile européen et les besoins réels des citoyens. « Nous avons un parc automobile vieux, moins d’activité industrielle et les gens ne savent pas quoi acheter. » affirme-t-il, soulignant que l’âge moyen du parc automobile espagnol dépasse les treize ans, avec plus de 40 % de véhicules diesel de plus de dix ans.
« Nous avons un parc automobile vieux, moins d’activité industrielle et les gens ne savent pas quoi acheter. »
Le diesel actuel, un allié méconnu dans la lutte contre le CO₂
La question du diesel, longtemps pointée du doigt pour ses émissions polluantes, occupe une place centrale dans le discours d’Imaz. Il rappelle que les moteurs diesel modernes, dotés de technologies de dépollution avancées, sont aujourd’hui bien moins émetteurs qu’on ne le croit. Selon lui, un diesel de dernière génération émettrait en moyenne 99 g de CO₂ par kilomètre en utilisation réelle, contre 120 g pour un véhicule électrique rechargé sur le mix électrique européen, si l’on prend en compte l’ensemble du cycle de vie, de la fabrication à la fin de vie. Imaz insiste sur la nécessité de considérer l’empreinte carbone totale et non seulement les émissions à l’échappement. « Une voiture diesel actuelle émet moins de CO₂ sur son cycle de vie qu’un véhicule électrique. » martèle-t-il, s’appuyant sur des chiffres qui bousculent les idées reçues. Il plaide ainsi pour que les citoyens puissent remplacer leur vieux diesel par un modèle récent, plus propre, sans être contraints par des interdits idéologiques.
Mais la critique d’Imaz va au-delà du simple débat sur les émissions. Il déplore la perte de souveraineté industrielle de l’Europe, sacrifiée sur l’autel de la transition électrique.
« Le moteur thermique était le joyau de l’industrie et nous nous sommes jetés dans les bras de la technologie chinoise. »
lance-t-il, rappelant que la Chine contrôle aujourd’hui plus de 75 % de la production mondiale de batteries lithium-ion, composant essentiel des véhicules électriques. Plus de 60 % des composants critiques des véhicules électriques vendus en Europe proviennent désormais de Chine, selon les chiffres de la Commission européenne. Cette dépendance technologique s’accompagne d’une perte d’emplois dans la filière moteur thermique, avec une chute de 12 % des effectifs en recherche et développement depuis 2020, d’après l’ACEA.
Vers une mobilité agnostique et pragmatique
Face à cette situation, Imaz appelle à une vision « agnostique » de la mobilité, où chaque technologie aurait sa place, en fonction de ses avantages réels et des besoins des citoyens. Il salue l’exemple du Pays basque, où les aides à l’achat de véhicules neufs sont désormais « technologiquement neutres », c’est-à-dire accessibles quelle que soit la motorisation, y compris pour les véhicules thermiques récents. Ces subventions, pouvant atteindre 10 000 €, ont permis à 45 % des bénéficiaires d’opter pour un hybride, 30 % pour un thermique propre et 25 % pour un véhicule électrique. Cette approche pragmatique, selon Imaz, permet de renouveler le parc automobile sans sacrifier l’industrie locale ni imposer un choix unique aux consommateurs.
Le PDG de Repsol estime que, malgré les ambitions affichées par l’Union européenne, la moitié du parc automobile mondial fonctionnera encore avec un moteur thermique en 2050. Cette projection s’appuie sur la réalité du marché : plus de 1,4 milliard de véhicules thermiques circulent aujourd’hui dans le monde, et seulement 30 % des foyers européens ont accès à une recharge domestique. Par ailleurs, Imaz rappelle que Repsol investit massivement dans les carburants synthétiques (e-carburants), à hauteur de 2,5 milliards d’euros, afin de proposer des solutions à bilan carbone neutre pour les véhicules existants.
La critique de Josu Jon Imaz porte donc sur plusieurs fronts : l’idéologie qui prime sur la technologie, la dépendance à la Chine, la réalité socio-économique du parc automobile et la nécessité d’une transition juste. « Il y a une barrière idéologique au-dessus de la technologie. » résume-t-il, appelant à une politique industrielle européenne plus équilibrée, qui ne sacrifie pas l’excellence technologique locale au profit d’une transition électrique mal maîtrisée.
